La candidate démocrate Kamala Harris a frappé Donald Trump là où ça fait mal une bonne partie du premier débat présidentiel, le républicain se retrouvant plus souvent qu’elle sur la défensive. Il n’a pas le temps de s’occuper du peuple américain, il est trop affairé à se défendre devant les tribunaux, a-t-elle martelé. Elle est une marxiste, « la pire vice-présidente de l’histoire des États-Unis », a-t-il fait valoir.
Tenu sans public à Philadelphie, le débat, très attendu, a été l’occasion pour Kamala Harris de sortir de son rôle de vice-présidente, qui l’a gardée plutôt à l’ombre ces dernières années. Donald Trump cherche à reconquérir la Maison-Blanche, Kamala Harris, à devenir la première présidente de l’histoire des États-Unis. Au coude-à-coude dans les sondages, ni l’un ni l’autre n’avait droit à l’erreur, d’autant que ce sera peut-être le seul débat de toute la campagne.
Deux journalistes de la chaîne ABC, Linsey Davis et David Muir, ont animé le débat, ce qui les a amenés à quelques reprises à corriger les allégations de Donald Trump.
Ils l’ont notamment fait lorsqu’il a soutenu qu’à Springfield, en Ohio, les immigrants « mangent les chats, les chiens », que des résidants s’en sont plaints à la télévision. Dans la journée, l’aspirant vice-président républicain J. D. Vance a prétendu sur X que des immigrants haïtiens semaient le chaos dans cette ville.
Le journaliste David Muir a soutenu qu’il n’y avait « pas de rapport crédible de cela », comme l'ont indiqué les autorités de la ville à des journalistes d’ABC.
Donald Trump a répliqué qu’à l’évidence, ils ne le reconnaissaient pas, que « ça ne paraîtrait pas bien » pour eux.
Quand Donald Trump a raconté que les immigrants faisaient exploser les taux de criminalité de façon générale, le journaliste David Muir est aussi intervenu, disant que les statistiques lui donnaient tort.
Et Donald Trump de répliquer : « Le FBI n’a pas inclus les villes où il y a le plus de crimes, c’est une fraude. »
Harris passe à l’attaque
Kamala Harris s’est résolument portée à l’attaque, alors qu’on aurait pu la croire dans la position de défendre l’administration Biden. Selon le New York Times, qui a tenu le chronomètre, elle a été à l’offensive pendant 17 min et 25 s précisément, comparativement à 12 min et 54 s pour son adversaire. Et ce, même si son temps de parole global a été moins important que celui de l’ancien président.
L’une des répliques les plus senties de la soirée a d’ailleurs été servie par Kamala Harris pendant le segment sur la guerre en Ukraine.
Évoquant le président russe Vladimir Poutine, Kamala Harris a accusé Donald Trump d’« adorer les hommes forts au lieu de se soucier de la démocratie ».
Il faut « défendre nos principes », et non « les vendre » en toute flagornerie pour dorer son ego, a-t-elle déclaré en parlant de Trump.
Revenant à quelques reprises sur les démêlés de Donald Trump avec la justice, Kamala Harris a regretté que les tribunaux ne sont pas parvenus à mettre Donald Trump en échec et que maintenant, « c’est aux Américains de l’arrêter ».
Pendant la portion du débat sur l’avortement, Donald Trump a avancé que des bébés étaient avortés « à 7, 8, 9 mois et probablement après leur naissance », qu’en Virginie, il arrivait qu’on détermine après l’accouchement ce qu’on devrait faire de l’enfant.
À plusieurs reprises, mais sans en abuser, Kamala Harris a affiché son large sourire très caractéristique, en l'utilisant surtout pour ponctuer les déclarations les plus surprenantes ou improbables de Donald Trump.
Les plans économiques des deux partis ont finalement été peu abordés autrement que par des attaques de part et d’autre. Les enjeux sur la santé et les changements climatiques ont, eux, été abordés à quelques minutes de la fin, après l’avortement, Israël, l’Ukraine et le respect ou non par Donald Trump de la démocratie américaine.
« En résumé, vous n’avez pas de plan en santé ? », a demandé la modératrice Linsey Davis à Donald Trump après une première réponse jugée insatisfaisante à ce sujet.
Le républicain a finalement répondu qu’il n’est pas président à l’heure actuelle, qu’il a en tête « des concepts » d’un éventuel plan et que le régime actuel ne serait changé que s’il est certain que « ce serait pour le mieux et moins cher ».
Des pointes savamment distillées
Les deux candidats se sont assurés de distiller leurs arguments chocs au cours de la soirée.
Donald Trump a soutenu que Kamala Harris était « marxiste » comme son père. Qu’avec elle au pouvoir, les armes seraient confisquées (ce qu’elle a nié vigoureusement). Que si elle devient présidente, « Israël aura disparu d’ici deux ans ».
Elle déteste Israël, elle déteste les populations arabes, toute la région va exploser.
Donald Trump
Kamala Harris, elle, a soutenu qu’en raison des reculs sur le droit à l’avortement attribuables à Donald Trump, des femmes faisant une fausse couche se vidaient de leur sang « dans leur auto dans des stationnements de salles d’urgence », parce que les membres du personnel de santé refusent de les voir de peur d’être emprisonnés s’ils les soignent.
Au sujet de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 et de la responsabilité que doit porter Donald Trump, le républicain a d’abord esquivé la question. Quand elle lui a de nouveau été posée par le modérateur, il a assuré que rien de cela ne serait arrivé si Nancy Pelosi – alors présidente de la Chambre des représentants – et le maire de Washington « avaient fait leur travail ».
« Ce n’était pas moi qui étais responsable de la sécurité. »
Une enfant de la classe moyenne
Se présentant comme « une enfant de la classe moyenne » élevée par « une mère travaillante qui a économisé et a réussi à [leur] acheter une première maison » quand elle était adolescente, Kamala Harris a fait valoir que ce n’est pas tout le monde « qui reçoit 400 millions sur un plateau d’argent et a fait faillite six fois ».
« J’ai reçu une toute petite fraction de ça », a répliqué Donald Trump.
En politique étrangère, Kamala Harris a redit le droit d’Israël de se défendre, a plaidé pour une solution à deux États et réitéré le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Donald Trump a, lui, répété que s’il est élu en novembre, la guerre sera réglée avant même son investiture en janvier. Et que s’il avait été au pouvoir, rien de ce qui se passe dans la région depuis un an ne serait arrivé.
Kamala Harris s’est au contraire targuée du fait que, « pour la première fois depuis le début du siècle », aucun militaire américain n’est activement au combat et que les citoyens ne sont pas en train de payer par leurs impôts « d’interminables guerres » comme en Afghanistan. (Kamala Harris a dit qu’elle était d’accord avec le retrait américain de ce pays.)
Lors des déclarations de clôture, Donald Trump a soutenu qu’avec Kamala Harris à la présidence, une troisième guerre mondiale serait lancée, « une guerre sans précédent en raison des armes nucléaires ».
« Elle est là [comme vice-présidente] depuis trois ans et demi, ils ont eu trois ans et demi pour régler le problème de la frontière, pour créer des emplois. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? »
Kamala Harris a, elle, choisi d’insister à la toute fin sur la nécessaire « protection des droits fondamentaux » des Américains, du « droit des femmes à disposer de leur corps », et a rappelé que pendant toute sa vie comme juriste, elle s’est employée à faire le bien, à défendre les gens dans le besoin, qu’ils soient républicains ou démocrates.
Elle est, a-t-elle conclu, « le genre de présidente » qu’il faut aux Américains, une présidente entièrement tournée vers les priorités des gens plutôt que sur ses propres intérêts comme c’est, selon elle, le cas pour Donald Trump.